Connectivité du monde et exposition aux risques cyber

Connectivité du monde et exposition aux risques cyber

En 1989, Tim Berners-Lee mettait en place le World Wide Web dans le but de faciliter le partage d’informations, de fichiers et de courriers électroniques. Dès lors, Internet était créé. L’accès à Internet est devenu depuis, une ressource essentielle dans notre société connectée, offrant des opportunités infinies de communication, d’information et de services en ligne. Cependant, l’expansion de la connectivité mondiale s’accompagne également d’un risque accru de cyberattaques. Existe-t-il un lien entre la connectivité des populations et leur exposition aux risques cyber ? Si la réponse parait évidente, le problème est bien plus subtil qu’il n’y parait.

Depuis plus de 20 ans, le monde s’emploie à connecter ses habitants. Aujourd’hui, c’est plus de 5,3 milliards de personnes qui utilisent internet désormais quotidiennement, soit près de deux tiers de la population globale, d’après l’union internationale des télécommunications (UIT). Si la connectivité des populations varie en fonction de différents facteurs telles que l’infrastructure, l’adoption des technologies de l’information et les politiques gouvernementales, ce sont les pays du nord (pays développés) qui détiennent le pourcentage le plus important. Près de 80 % de la population de ces pays dispose d’un accès internet. (Voir carte plus bas)

Le cas des pays en développement

Dans les pays en développement et notamment les BRICS (Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine) l’accès à internet est en perpétuelle augmentation. Cet accès a été rendu possible essentiellement par l’amélioration des infrastructures de communication. Cela inclut le déploiement de câbles sous-marins, de réseaux terrestres à haut débit et de technologies sans fil, telles que la 3G, la 4G et maintenant la 5G. Ces infrastructures sont essentielles pour connecter les régions éloignées et étendre la portée d’Internet. On retrouve également, comme facteurs favorables au développement de la connectivité : la baisse des coûts des services Internet due aux avancées technologiques, l’intensification de la concurrence entre les fournisseurs de services Internet et les politiques gouvernementales favorables. Désormais les offres d’accès à Internet à faible coût, les forfaits prépayés et les initiatives de connectivité abordable ont rendu Internet plus accessible à un plus grand nombre de personnes.

La Chine est l’un des exemples les plus frappants de l’expansion de l’accès à Internet. Avec une population de plus de 1,4 milliard d’habitants, la Chine a connu une croissance phénoménale du nombre d’utilisateurs d’Internet. Selon les statistiques de l’Administration du cyberespace de Chine, en 2020, le pays comptait plus de 989 millions d’utilisateurs d’Internet, soit près de 70% de la population totale. Cette expansion a été soutenue par des investissements massifs dans les infrastructures de communication, la propagation des smartphones et l’émergence de géants de la technologie tels qu’Alibaba et Tencent.

En Afrique, l’accès à Internet a également connu une croissance significative ces dernières années. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), en 2020, environ 28,2% de la population africaine avait accès à Internet, contre seulement 2,1% en 2005. Soit une augmentation de près de 26 points en seulement 15 ans. Des pays comme le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud ont joué un rôle clé dans cette expansion, stimulant le commerce électronique, l’inclusion financière et l’accès à l’information.

Enfin en Inde, pays membre des BRICS, est un autre exemple marquant de l’expansion de l’accès à Internet. Avec une population de plus de 1,3 milliard d’habitants, l’Inde a connu une augmentation spectaculaire du nombre d’abonnés à Internet. Selon l’Office de la réglementation des télécommunications de l’Inde (TRAI), en janvier 2021, le pays comptait plus de 624 millions d’abonnés Internet, soit environ 46% de la population totale. Cette expansion a été alimentée par la baisse des coûts des services Internet, le développement de smartphones bon marché et des initiatives gouvernementales tel que le projet Digital India, visant à promouvoir la connectivité et la transformation numérique.

Carte UBCOM - Utilisateurs d'internet par % de la population

Quel lien entre la surface d’attaque cyber et l’accès à Internet ?

Si la carte de la connectivité mondiale ne fera que tendre vers de plus en plus de pays connectés (en vert sur la carte), elle emmène avec son évolution, un risque d’exposition de plus en plus accru face aux cyber menaces. La principale cause de l’augmentation du risque cyber en relation avec le développement de l’accès à internet n’est autre que l’augmentation de la surface d’attaque. Plus le pourcentage de la population ayant accès à Internet est élevé, plus la surface d’attaque potentielle pour les cybercriminels s’élargit. Cela est dû à la multiplication des points d’entrée dans les systèmes en ligne, tels que les ordinateurs, les smartphones, les objets connectés et les plateformes en ligne. Une plus grande surface d’attaque signifie que les cybercriminels ont un plus grand nombre de cibles potentielles pour mener leurs attaques. Daniel Markuson, Gigital privacy expert expliquait en 2020 que : « Les cybercriminels ne cherchent pas de victimes, ils cherchent des opportunités – un peu comme les pickpockets dans les endroits bondés. Si vous passez assez de temps dans un bus bondé, un pickpocket vous tombera dessus accidentellement. Même histoire en ligne. Votre cyber-risque augmente avec chaque heure supplémentaire passée en ligne ».

Si le Nigeria ou l’Inde font partie des pays les moins vulnérables (voir carte ci-dessus), c’est alors tout simplement, « grâce » à un bas niveau de connectivité. Seulement la moitié (respectivement 55% et 45%) de leurs populations utilise Internet et moins d’un quart possède un smartphone.

En revanche l’expansion de l’accès à Internet et de la surface d’attaque ne signifient pas automatiquement une exposition accrue aux cyber-risques. Plusieurs facteurs sont à mentionner. En premier lieu, nous assistons de nos jours à une sensibilisation croissante et une prise de conscience de la sécurité en ligne. Les utilisateurs sont mieux informés sur les risques et les bonnes pratiques de sécurité, ce qui les amène à prendre des mesures pour protéger leurs informations personnelles et leur sécurité en ligne. Les mesures de sécurité sont elles aussi en constantes améliorations, avec des avancées technologiques et des pratiques de sécurité plus solides qui permettent de détecter et d’anticiper les menaces. Enfin, les réglementations et les politiques se sont améliorées pour renforcer la sécurité en ligne. Les gouvernements ont élaboré des lois et des réglementations visant à protéger les utilisateurs et à responsabiliser les fournisseurs de services Internet et les entreprises technologiques.

Par exemple, l’Estonie est un pays qui a connu une expansion rapide de l’accès à Internet mais qui est considéré comme l’un des leaders mondiaux en matière de cybersécurité. L’État balte a réussi à mettre en place des mesures proactives pour protéger ses infrastructures numériques, tel que que le développement de systèmes de défense avancés et la sensibilisation des citoyens à la sécurité en ligne. Ces efforts ont permis de minimiser les risques et de garantir un niveau élevé de sécurité malgré l’expansion de l’accès à Internet.

Israël est également un Etat connu pour son expertise en matière de cybersécurité et qui a su développer une industrie de la cybersécurité florissante. Malgré une connectivité élevée, plus de 90% de sa population, le pays a réussi à atténuer les risques grâce à une approche multidimensionnelle comprenant la recherche et le développement de technologies de pointe, la formation de talents spécialisés et la collaboration étroite entre les entreprises, les organismes gouvernementaux et les institutions académiques.

Au regard des exemples et données présentées, le lien entre connectivité des populations et les risques cyber est bien réel. En revanche les schémas ne se répètent pas. Les pays les plus connectés sont irrémédiablement les plus exposés à la menace cyber mais sont également ceux qui disposent des systèmes de protection les plus efficaces. Les pays les moins connectés connaissent quant à eux des croissances exponentielles de leur connectivité. Leur exposition aux risques cyber augmente aussi mais reste moindre, du fait de la pauvreté des informations à voler ou de la non-capacité des populations à répondre aux demandes de ransomwares par exemple.